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La Petite Maison dans le Cantal
22 septembre 2013

La Petite Folie

la petite folir

C'est une petite maison en bois posée au bord d'un étang entourée de grands chênes. On la trouve au bout d'un petit chemin, à l'orée d'une forêt, voguant au milieu d'une mer de blé. C'est la Petite Folie.

La petite folie de mon grand-père qui l'a créée, qui a voulu ce petit paradis caché pour pêcheur passionné. A l'abri des regards, loin des turpitudes du quotidien, il coulait avec ma grand-mère des fins de semaine tranquilles. Je possède des photos de ces moments: la famille rassemblée sur le ponton, attablée devant une friture et un verre de vin, mes grands-parents, mon père, ma mère, des grands oncles, des arrière grands-mères que je ne reconnais pas, vivent des moments paisibles que leurs descendants continuent de vivre au même endroit, de la même façon.

A la Petite Folie, à chaque pas, je marche dans les souvenirs. La petite allée avec ses fleurs de galets déformée par les racines du grand chêne sur laquelle j'ai tant de fois trébuché. L'étang presque en forme de coeur, le grand saule pleureur, majestueux au bout de sa presqu'île et ses longs cheveux qui traînent langoureusement jusque dans l'eau. Nous nous y glissions avec la barque et nous laissions ses grandes branches nous caresser le visage. Le terrain de pétanque, qui, auparavant était une sorte de petite fosse qu'un pont en bois vermoulu enjambait. Certains le traversaient à toute vitesse et couraient à grandes enjambées quand d'autres se cramponnaients par peur de glisser sur les lattes recouvertes de mousse et avançaient avec précaution. Puis venait la bonde où était attachée la barque et j'entends encore les "attention de ne pas tomber!" de ma mère. Les grands roseaux dissimulent aux regards le chemin menant au petit coin, véritables toilettes camouflées dans une cabane en tôle ondulée, dont la tuyauterie se limite à un broc d'eau et l'évacuation  à un trou creusé dans la terre. J'attendais toujours le dernier moment pour entrer dans cet endroit odorant dont la porte grinçait lamentablement. Il y avait toujours deux ou trois araignées pour vous y accompagner, un petit mulot terrorisé qui se faufilait dans le champ d'à côté. La pataugeoire plutôt grande bâptisée pompeusement piscine dans laquelle nous avons souvent barboté, le rebord étroit et glissant sur lequel nous nous faufilions, ses bords incurvés peints en bleu. On y conserve toujours les poissons capturés à la plus grande joie des petits qui ne se lassent pas du spectacle.

Une petite maison en bois sans prétention prolongée d'un ponton, ombragée par de grands chênes. Une grande pièce avec des poutres au plafond, un canapé en cuir défoncé qui abrite parfois une famille de souris, une maie pour renfermer les denrées, des armoires d'angle renferment toujours la vaisselle de famille, un filet de pêcheur décore un mur, la pendule sur pied rythme les heures, une lourde table et ses bancs permettent à une douzaine de convives de s'y attabler. Une petite terrasse sur le côté a remplacé la chambre sous l'appentis. C'était une petite chambre étroite au tissu rose qui sentait la poussière et le renfermé dont la grande fenêtre équipée d'une moustiquaire donnait sur la fosse. Une minuscule table de jeu au bout du grand lit finissait d'en encombrer l'espace.

L'étang occupe la presque totalité du terrain et ne nous laisse qu'un étroit passage pour en faire le tour. A certains endroits les arbres et les buissons obligent les promeneurs à se mettre en file indienne. Un ponton de fortune permet de pêcher en toute tranquilité tandis qu'une minuscule anse abrite les plus gros specimen que l'on voit affleurer à la surface. Les araignées d'eau patinent sur l'étang, les libellules viennent se poser sur les bouchons, de temps en temps, le bond d'une carpe vient troubler l'instant présent. L'été, le soleil essaie vainement de percer entre les feuilles des arbres agitées d'une douce brise tandis qu'allongés dans les chaises longues, un livre pendant mollement au bout de la main, nous nous laissons bercer par la quiétude du lieu. Bientôt, il sera l'heure de l'apéro, du barbecue, la petite maison se secouera de sa torpeur, résonnera des rires, du bonheur de se retrouver. Une fête familiale ou une réunion d'amis nous emmènera jusqu'aux premières lueurs de l'aube, alors, furtivement, à pas feutrés, nous nous avancerons à la lisière de la forêt pour voir les sangliers venus s'abreuver ou bien nous surprendrons les hérons venus voler des poissons. 

Une Petite Folie emplie de sérénité, hantée  par de gentils fantômes, embellie des souvenirs d'enfance, qui reste le point d'ancrage de toute une descendance. 

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