Je suis allée voir dans le dico la définition du mot repas. Donc, repas: nourriture que l'on prend chaque jour à des heures régulières.

Simple, clair, net, précis, une définition de dictionnaire bien scolaire. Ca a l'air simple dit comme cela. Un moment de calme en quelque sorte.

Pourtant, un repas, c'est aussi ça : le glougloutement gourmand de la cocotte en fonte qui scande les secondes, le fumet odorant qui s'échappe du couvercle, les verres et les couverts qui reflètent discrètement la lumière douce des bougies, une jolie vaisselle, on saupoudre le tout d'un zest de convivialité et on obtient un moment de luxe, calme et volupté...

Des repas comme ça, j'en rêve...

Nos repas, c'est plutôt ça:

Je commence par appeler toute la petite tribu:"A table!" d'une voix mélodieuse de maman parfaite qui vire très vite au "A TAAAAABLE!" version "faispasci faispasça" puisque personne ne descend sauf Gersande qui se précipite, à moins qu'elle ne soit déjà installée et en train de taper avec sa cuillère sur son assiette pour bien nous montrer qu'elle a FAIM.

Les garçons finissent par descendre plus ou moins vite, s'installent plus ou moins péniblement à table, en scandant le fameux "qu'est-ce qu'on mange?", salué ensuite par des "baaaahhh" ou des "aaaahhh" suivant que j'annonce gratin de choux fleur ou nuggets/frites. Pendant ce temps, Gersande nous menace de représailles nucléaires si nous ne nous décidons pas à la servir immédiatement.

Je commence donc par servir Gersande pendant que Pascal la harnache de son tablier plastique + serviette. Il faut au moins ça. On a laissé tomber la bâche autour de sa chaise, trop compliqué. Je sers les garçons. Gersande vient de terminer son assiette. Elle enfourne les bouchées avec ses deux mains. Notre fille ne mange pas avec ses doigts mais avec ses mains. En fait, elle baffre. Donc, on la ressert. Nous aussi, au passage, on se sert, accessoirement.

C'est à cet instant précis que, généralement, ça se complique. Gersande, qui vient de se gaver en 2 minutes, montre en main, commence à s'agiter. Elle se trémousse, se dandine, essaie de descendre de sa chaise, de monter sur la table ou bien elle décide que ce qu'il y a dans notre assiette est appétissant et se sert directement. Elle crie, rie, s'exprime de sa voix mélodieuse de poissonnière des halles.

Pendant ce temps, Guilherm chipote dans son assiette et moi je peste sur la nounou qui lui a encore trop filé à goûter. Enguerrand, lui, enclenche la machine à parole. Il sera difficile de l'arrêter avant le dessert. Les gesticulations de sa soeur ne le pertubent en rien, pas plus que le fait que, manifestement, nous avons du mal à être attentifs. Pascal se fâche après Gersande pour qu'elle se tienne tranquille. Si le ton monte, la princesse bulldozer jette alors un regard noir à son père sous des sourcils froncés puis décide de l'ignorer superbement pendant cinq bonnes minutes. On en profite pour essayer de terminer notre assiette pendant ce répit providentiel tout en écoutant le monologue d'Enguerrand. Guilherm se met généralement à faire une crise car il ne parvient pas à en placer une et que lui aussi aimerait bien raconter le film "Nanouk, l'esquimeau" vu au cinéma, le matin, même que Nanouk, il fait des igloos et des trous danslaglacepourpêcher,blablabla...On arrête Enguerrand pour laisser la parole à Guilherm qui, sous la pression de l'attention générale, ne trouve plus ses mots. Gersande pallie à cet instant de solitude en essayant de descendre de sa chaise pour la 23ème fois et pour la 23ème fois, son papa lui dit que: "NON, à table, tu restes assise!" A cet instant précis, la fatigue s'abat sur moi, comme une chappe de plomb. Si je m'écoutais, je m'endormirais, la tête calée dans le gratin de choux fleur.

Le moment du fromage/yaourt finit par arriver, nous approchons de la fin du repas. Ce n'est pas pour autant qu'il faut relâcher notre attention. C'est l'instant de tous les dangers. C'est le moment où les enfants se lèvent pour aller chercher les produits lactés dans le frigidaire. "Dépêche-toi!! laisse pas la porte ouverte!!" "y'a plus de danette? t'as pas fait les courses, maman?"Gersande en profite pour pratiquer sa spécialité: carotter la petit chaise paillée rouge de ses frères qui leur sert à se servir, de préférence quand ils sont debout dessus. Pleurs, cris en tout genre,on évite de peu un passage aux urgences... Enfin, tout le monde finit par se rassoir. Si Guilherm se jette immédiatement sur la danette au chocolat noir, Gersande est une accroc du fromage: Cantal, St Nectaire, Carré d'Aurillac, camembert, tout y passe. Elle enfourne à 2 mains des morceaux trop gros pour sa petite bouche et se précipite aussitôt pour être resservie. Nous sommes obligés d'enlever le fromage de la table pour la restreindre. Enguerrand alterne fromage/yaourts selon ses envies du moment. Nous, nous tâchons, tant bien que mal, d'avaler un bout de fromage tout en essayant de soustraire notre morceau de St Nectaire aux mains prédatrices de la petite dernière. Déjà, elle nous réclame un fruit qu'elle va chercher elle-même dans la coupe: les clémentines ont sa préférence, en ce moment. Les garçons, eux, ont jetté l'éponge et quitté la table qui ressemble à un champ de bataille.

Moi, je me dis, que nous attaquons la dernière ligne droite: la table à débarasser, le lave-vaisselle à charger, histoire, câlins, dodo. Dans une demi-heure, un peu de calme, à défaut de luxe et de volupté, règnera sur la maison. On s'affalera, dans le canapé, main dans la main, on se regardera en poussant un soupir de soulagement qui se transformera vite en grognement lorsque Guilherm nous appelera sous un prétexte quelconque.

Pourtant, étrangement, je les adore mes repas en famille. Ce sont aussi les fous rires, la complicité des enfants, les blagues d'Enguerrand, les pitreries de Gersande, les câlins de Guilherm qui descend de sa chaise pour me serrer contre lui et me sussurer un "je t'aime, maman". C'est le moment, où nous sommes tous réunis. Les enfants racontent leur journée, leurs petites histoires de récré. Enguerrand nous baragouine ses premiers mots d'anglais ou nous raconte une leçon, Guilherm nous chante une comptine nouvellement apprise, que l'on reprend tous en choeur, même Gersande qui n'en finit plus, en cette fin de journée, de gesticuler joyeusement. Des petits bonheurs au quotidien qui rendent la vie douce et belle.

Ces repas du soir, ce sont parfois des moments épuisants, éprouvants mais ce sont aussi des moments riches de partage, de joie. C'est le bonheur de se retrouver au complet en fin de journée.

Le resto? c'est quand on peut et obligatoirement en amoureux!

le repas

Partager cet article